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Dessine-moi un soleil!

«Faut ajouter des rayons – sinon c'est pas un vrai soleil!» Yussuf* réfléchit, puis par quelques traits transforme le cercle en un vrai soleil. On lui ajoute une bouche et des yeux – le soleil sourit. Néanmoins, il ne parvient pas à convaincre Madame K. Celle-ci refuse toujours de participer. Ses doigts se cramponnent au crayon. «Non, parti, fini!» Madame K. est atteinte de démence, comme tous les résidents du foyer WOGE (AMS) à Fribourg en Brisgau (Allemagne). Ce foyer propose régulièrement des rencontres entre des enfants de la KiTa Wiesengrün (crèche) et ses résidents malades «de la tête».

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Aujourd’hui, je suis invité à participer à l’une de ces rencontres. 45 minutes de dessin, jeu et chanson sont prévues. Les enfants s’impatientent. Souvent, le nombre de ceux qui souhaitent participer est plus important que celui des admis. L’objectif est de réunir autant d’adultes que d’enfants. Le succès d’une telle manifestation est quantifiable: plus les seniors s’ouvrent et réagissent aux enfants, et plus les enfants demandent à jouer avec les personnes âgées. Si les seniors ne montrent pas de réaction, les enfants préfèrent rester entre eux. C’est pourquoi il est primordial que des collaborateurs des deux institutions, des proches et des bénévoles soient présents pour encadrer ces rencontres. Une entremise initiale est indispensable pour que les seniors et les enfants entrent en contact; par ailleurs, des thèmes concrets doivent être préparés. Toutefois, l’autre extrême n’est pas bon non plus: «Trop d’histoires racontées, trop d’instructions et trop de démonstrations sont contreproductives», explique Madame Westermann de la crèche. Pour que les deux parties se retrouvent, il faut aussi laisser un peu de temps au temps. Toutes les rencontres suivent d’ailleurs un même rituel: au début et à la fin, tout le monde chante, les participants se font des signes de la main et les noms de chacun sont présentés et répétés.

Tous profitent

Ces rencontres sont bénéfiques à tous. Les personnes atteintes de démence se sentent réconfortées; elles sont contentes, cela se voit. Installée en fauteuil roulant, telle femme se met à rayonner: incapable d’exprimer verbalement ce qui se passe en elle, les enfants comprennent que leur initiative d’entrer en contact et de jouer porte ses fruits. En effet, les enfants détectent le changement s’opérant dans le comportement des seniors et ils s’en réjouissent. Les 45 minutes passées en commun enrichissent les compétences sociales et émotionnelles des enfants. Il est également possible que le contact visuel avec un enfant éveille un souvenir dans la mémoire d’une personne âgée. Ainsi, Madame O. se met soudainement à parler, ce qu’elle ne fait pas d’habitude. Elle gesticule et les enfants lui montrent ce qu’ils ont dessiné. Une signature est apposée au bas d’un croquis – voilà, c’est un cadeau pour Madame X. Dans les deux foyers, sont d’ailleurs exposés de nombreux chefs-d’œuvre créés lors de rencontres antérieures.

Le mouvement est bénéfique aux personnes atteintes de démence

Aujourd’hui, les enfants dessinent installés à une table au centre de la pièce, les seniors, eux, sont assis derrière eux. Cette situation est bien moins profitable aux deux parties que celle de la dernière séance où tous étaient réunis autour d’une grande table pour construire un circuit à billes, m’explique Felicitas Frick, qui effectue un stage de six mois à la résidence des seniors, dans le cadre du Bundesfreiwilligendienst (service civil bénévole allemand). C’était beaucoup moins statique: les participants faisaient rouler des billes et également des ballons. Les seniors étaient bien plus actifs qu’aujourd’hui et ils s’animaient visiblement. Rien de surprenant à cela: il ressort de plusieurs études scientifiques que le mouvement a des effets positifs sur les personnes atteintes de démence. Consultez à ce sujet le dossier «Let’s move – Bewegung und Demenz».

Une autre forme de mouvement appropriée aux rencontres intergénérationnelles: la danse, qu’il s’agisse d’une ronde traditionnelle ou, si les personnes d’un grand âge sont handicapées, d’une «danse assise».

Accompagnement scientifique

Pendant trois ans, une équipe scientifique suivra ces réunions régulières. Le projet «Begegnungen» (rencontres) a pour but l’observation et l’analyse des interactions entre des personnes très âgées et des enfants d’âge préscolaire. On espère ainsi améliorer la qualité de vie et la participation sociale des seniors. Participent au programme trois crèches, deux résidences médicalisées et un foyer pour personnes atteintes de démence à Fribourg et à Waldkirch (Allemagne). Les études sont encadrées par l’Evangelische Hochschule Freiburg, plus exactement par deux de ses instituts: le Zentrum für Kinder- und Jugendforschung (ZfKJ) et l’Institut für angewandte Sozialforschung (AGP). Les résultats seront publiés dans des revues spécialisées ainsi que dans un manuel destiné aux praticiens. Les premiers résultats ainsi que le manuel ont été présentés en février 2013 lors d’un symposium.

Assoupi dans son fauteuil roulant, Monsieur F. vient de se réveiller. Il observe les enfants qui, eux, remettent leurs manteaux pour retourner à la crèche. Qui sait? Il se réjouit peut-être autant que les petits à l’avance de la prochaine visite d’ici huit jours.

Je remercie Madame Rönnau-Böse (ZfKJ) et Monsieur Norman Pankratz (AGP) de m’avoir invité  à cette rencontre, ainsi que de leur chaleureux accueil sur place.

 

Une entrée publiée par Michael Hausammann 

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